Annoncée mardi dans le quatrième budget de la ministre fédérale des Finances Chrystia Freeland, cette décision devrait générer 19,4 milliards sur cinq ans, somme qui servira à financer les nouvelles dépenses gouvernementales. En échange, le gouvernement Trudeau offre un peu d’oxygène aux propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME) avec des exceptions fiscales.
Dès le 25 juin prochain, le taux d’inclusion – la portion du gain en capital qui est imposable – passera de la moitié (50 %) aux deux tiers pour tout ce qui dépasse annuellement 250 000 $. Ce changement devrait toucher quelque 40 000 personnes et 307 000 sociétés, d’après les estimations fédérales.
Gains en capital qui ne sont pas touchés :
- Vente d’une résidence principale
- Gains réalisés dans des comptes à l’abri de l’impôt (REER, CELI, CELIAPP, etc.)
- Revenus de pension ou gains en capital dans des régimes de retraite agréés
- Première tranche de 250 000 $
« Les mesures que nous mettons en place sont avant tout une question d’équité, a expliqué Mme Freeland, en conférence de presse. Je suis convaincue que ces mesures n’auront pas d’effets négatifs sur l’investissement des entreprises au pays ainsi que leur humeur. »
Le gouvernement Trudeau estime qu’il récoltera 6,9 des 19,4 milliards supplémentaires escomptés dès la première année. Bon nombre de contribuables risquent de passer à l’action avant l’entrée en vigueur des changements, estime Stéphane Leblanc, associé en fiscalité chez EY.
Il devrait se réaliser environ 55 milliards de dollars de gains en capital de plus au cours des deux prochains mois en raison de l’échéancier qui arrive.
Stéphane Leblanc, associé en fiscalité chez EY
Actuellement, un contribuable québécois à « revenu élevé » qui déclare un bénéfice de 300 000 $ en vendant une résidence secondaire est imposé sur la moitié de la somme, soit 150 000 $. Sa facture d’impôt serait d’environ 80 000 $. Elle grimperait d’environ 4440 $ en vertu des changements du budget Freeland.
Les investisseurs immobiliers sont désavantagés par rapport à ceux qui détiennent des placements boursiers, par exemple, souligne M. Leblanc. Ces propriétaires ont « moins de souplesse » pour se départir d’un actif qui n’est pas « liquide », dit l’expert. De plus, il est plus facile d’effectuer de la planification fiscale lorsque l’on détient des placements liquides (actions, obligations, options sur des titres), ajoute M. Leblanc.
Le gouvernement Trudeau vise à la fois les particuliers et les entreprises. Ottawa regarde particulièrement du côté des contribuables ayant été capables de se bâtir des portefeuilles de placement au fil du temps. On retrouve, dans cette catégorie, des professionnels comme des médecins ainsi que des avocats, qui se sont incorporés et qui génèrent des revenus grâce à des placements passifs.
S’il s’harmonise aux changements, le Québec empochera également de nouveaux revenus. Le gouvernement Legault étudie déjà la possibilité d’imiter Ottawa. Il est cependant difficile d’avoir une idée de l’ampleur de ces recettes potentielles en se basant sur les données fédérales.
Des accueils différents
Dans un pays qui « taxe » déjà « généreusement », ce resserrement décrété par Ottawa a des allures de « mesure bazooka », estime Robert Asselin, premier vice-président du Conseil canadien des affaires et ancien directeur du budget du ministre fédéral des Finances Bill Morneau.
« On dit aux investisseurs et aux gens qui ont de l’argent : “Votre capital est moins bienvenu qu’il l’était hier, on va le taxer davantage”, affirme M. Asselin. C’est un choix qui se défend pour le gouvernement, sauf que l’on rivalise avec d’autres pays. »
Dans le milieu des affaires, cette décision risque de rendre l’investissement privé « moins attrayant » dans l’économie.
Sans surprise, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques ne voit pas les choses du même œil. Chercheur au sein de l’organisme de réflexion de gauche, Colin Pratte rappelle qu’avant d’être abaissé à deux reprises en 2000, le taux d’imposition sur les gains en capital était de 75 %.
« On peut qualifier l’approche du gouvernement Trudeau de progressisme fiscal timide, dit-il. En retournant au niveau des années 1990, Ottawa aurait généré de nouveaux revenus trois fois supérieurs à ce qui est annoncé ici. L’environnement fiscal du Canada demeure complaisant pour les contribuables fortunés en dépit des nouvelles mesures. »
Redonner de l’autre main
Alors que le gouvernement Trudeau serre la vis aux contribuables plus fortunés ainsi qu’aux sociétés, il offre deux assouplissements aux plus petits entrepreneurs qui, combinés, totaliseront 3,25 millions en exonération sur les gains en capital. Il faudra cependant patienter une décennie avant que la deuxième mesure soit pleinement effective.
« Fournir une exonération partielle pour les entrepreneurs leur permettra de réaffecter plus de capitaux à leurs prochains objectifs, que ce soit une nouvelle entreprise, un investissement dans une entreprise en démarrage ou une retraite confortable », fait-on valoir, dans le budget.
Dans un premier temps, le plafond d’exonération sur la vente d’actions de petites entreprises et de biens agricoles ou de pêche sera relevé de 25 %, à 1,25 million, dans trois mois. Ce seuil continuera d’être indexé à l’inflation annuellement.
L’autre incitatif prend la forme d’une réduction du taux d’inclusion à 33,3 % « sur une somme maximale » de 2 millions en matière de gains en capital. Ce « maximum » sera atteint en 2034. Entre-temps, la somme progressera de 200 000 $ par année.
Source: lapresse.ca
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